«La guerre n'est pas qu'une affaire d'hommes1 ». Pour bien comprendre les rôles et conditions des femmes pendant la Grande Guerre, il convient de revenir sur les principaux évènements de la guerre et sur le contexte socio-économique de ces années.
A l'été 1914, rien de laisse présager l'imminence d'une guerre. La France vit à l'heure de la Belle Époque. L'assassinat de l'Archiduc François Ferdinand a tout juste été mentionné dans la presse et l'affaire Caillaux intéresse davantage l'opinion publique.
Mais en quelques jours, l'Europe s'embrase à partir du 28 juillet.
Le samedi 1er août, la France décrète la mobilisation générale et placarde l'affiche ci-jointe. Le clairon sonne à 15h45 l'appel aux armes.
Première incidence directe de la guerre: la séparation avec le départ des hommes les jours suivants. Avec la certitude d'une victoire facile et d'une guerre courte, les départs donnent lieu à des scènes collectives de patriotisme.
Les femmes cachent leur peine; elles doivent être fières de voir partir leurs hommes (mari, fils, frère) pour défendre leur pays, et être courageuses.
La mobilisation des hommes, la réquisition des véhicules et des animaux désorganisent alors totalement la vie du pays.
Dates clés:
Servir devient le mot d'ordre de l'ensemble des françaises: rurales, bourgeoises et féministes. Ces dernières ne renient ni le pacifisme ni le militantisme; elles décident de suspendre leurs revendications d'avant-guerre afin d'aider les femmes dans l'accomplissement de leurs devoirs sociaux.
Résister, protéger, soutenir deviennent les tâches prioritaires des femmes pendant que les hommes sont au front.
Malgré la victoire de La Marne, la stabilisation du front à l'Ouest, les illusions d'une guerre courte ont disparu. Et, le concours des femmes devient primordial, notamment dans l'industrie de guerre. Le besoin de main-d’œuvre coïncide avec la situation de nombreuses femmes, chômeuses ou ménagères, privées de leurs hommes et de ressources.
La mobilisation des infirmières, des paysannes, des boutiquières est immédiate. Et après quelques réticences, les secteurs du commerce, des banques, du transport et de l'administration emploient des femmes.
Dans une France encore rurale, les travailleuses les plus nombreuses sont les paysannes. Leur vie est dure, exceptées pour celles vivant dans de très grandes exploitations et se traduit par les tâches quotidiennes de la maison, de la basse-cour, de l'élevage et des travaux des champs. Leur univers se limite à la ferme, au village voire au bourg-voisin.
La bourgeoise ne travaille pas à l'extérieur. Elle dispose d'un ou plusieurs domestiques. Mais elle est très prise par des occupations mondaines ou charitables. Par exemple, la Croix-Rouge lui a donné des responsabilités sociales et le goût de l'engagement.
A côté des paysannes et des bourgeoises, il y a aussi des commerçantes, employées, ouvrières qui ne se fréquentent guère. La journée de travail est de 10 heures par jour et un jour de repos hebdomadaire.
Les françaises ont bénéficié des lois sociales de la République, notamment de l'instruction. Mais, elles ont plus de devoirs que de droits. L'homme règne en maître et la femme est sa subordonnée.
Les Françaises sont actives mais peu qualifiées, mal rémunérées et cantonnées dans des métiers féminins.
Dans tous les milieux, l'idéal féminin est celui de l'épouse légitime et de mère.
La femme française, une fois mariée, devient une mineure juridique, dépend du chef de famille qui administre tous les biens et détient seul l'autorité parentale.
A la veille de la guerre s'esquissent des changements dans les conditions des Françaises grâce à un mouvement féministe représenté par Madeleine Pelletier qui réclame des droits: l'accès des femmes à la vie publique, l'instauration de relations plus égalitaires entre les sexes. De plus en plus de jeunes bourgeoises refusent le code de conduite de leurs familles et la vie de leurs mères. La pudeur recule; elles pratiquent la bicyclette et portent le pantalon. Et surtout, elles veulent suivre des études secondaires et supérieures.
Par ailleurs, les Françaises que l'on voudrait mère entendent limiter la taille de leur famille.
Des changements dans les droits civils sont aussi à noter: en 1884, rétablissement du divorce; en 1907, obtention de la libre disposition de leur salaire et autorisation de la recherche en paternité.
En revanche, le droit de suffrage avance plus lentement. Elles peuvent voter et être élues au Conseil Supérieur du travail, aux chambres de commerce et aux Prud'hommes, mais toutes les propositions de suffrage politique s'opposent à de fortes résistances.
«1914 aurait pu être l'année des femmes2». Mais, la guerre change les priorités. Des louanges sont faîtes aux femmes par les politiques, les écrivains, la presse. Hypocrites? Ils promettent, sans précision, des droits nouveaux dans l'avenir.
Alors, s'il est vrai que la "guerre des femmes" est moins glorieuse que celle des combattants, elle est tout au moins différente. Mais l'importance de leur participation et la variété de leurs rôles montrent un pays au féminin.
1 & 2. THEBAUD, Françoise. Les femmes au temps de la guerre de 14. Petite Bibliothèque Payot. N°947. Éditions Payot & Rivages,
2013.